J'étais en service de soins palliatifs... Déjà, oui, quand on entend palliatif, on comprend où on est...
Mais figuré vous qu'il arrive que les patients ne sachent pas où ils sont, et surtout pourquoi ils sont là...
En effet, il est a l'hopital... "Je vais à l'hopital!" phrase banale, entendue maintes fois, d'abord dans un premier service, "oncologie"... cancer...
Puis on le transfert, dans un service bien mieux, qui s'occupera bien mieux de lui, en plus, vous serez en chambre seule!! Autant de mots qui évitent, ou permettent d'éviter de dire à la personne "vous allez aller en soins palliatifs". Pour bon nombre de personnes, "palliatifs" c'est le début de la fin... Mais heureusement, il arrive que des patients sortent en meilleure état de santé qu'à l'arrivée, bien que la maladie ne régresse pas.
Je voulais vous parler d'une femme... Cancer métastatique du foie. Pour résumé, son cancer avait atteint les reins, cerveau, poumons, et aussi les os. L'avancée était incessante. Dans notre service, elle a pu trouver un confort et une écoute très particulier. Sa famille vient la voir, très souvent, et on la trouve très en forme... Souriante, avec tout de même besoin d'une aide quotidienne pour ces déplacements non négligeable...
Ce matin là, elle allait sortir, enfin, et rentrer chez elle, pour continuer à vivre encore un peu au sein de sa famille...
Nous le savions tous, et nous n'arrêtions pas de lui en parler :
"demain, c'est le grand jour, vous allez enfin pouvoir rentrer chez vous!!!"
Son sourire ne pouvait trahir la joie que ça lui procurait!! Une pause... Mais pour elle, ça ressemblait plus à un espoir de guérison...
Sa famille avec le médecin avait conclu qu'il était préférable pour son moral de lui dire que son cancer du foie avait été guéri, et qu'elle allait aller mieux maintenant... Il ne faut jamais juger de ces décisions... Son moral était il est vrai au beau fixe, et peut etre ne serait-elle pas là si la vérité avait été dite. On ne peut se mettre à la place de ces gens. Pour eux, c'était le mieux à faire, à ce moment là. Et nous le respections. Cette dame n'en demandait pas plus.
Le matin de sa sortie, l'aide soignante allait l'aider à faire sa toilette. Cette dame avait besoin qu'on l'aide, pour se soulever, et marcher. Ces jambes ne suivaient qu'à peine.
Passant son bras sous celui de la patiente, elle l'entraina avec fermeté et délicatesse, mais on entendit "crac"!!!
La patiente hurlait. L'infirmière arriva en courant, son bras était cassé. Rien qu'en la soulevant, et croyez moi, doucement, son bras se cassa!! La douleur était intense. Le médecin avertit, nous la transferions alors aux urgences traumatologiques.
Elle regarda l'aide soignante en disant :
"A cause de vous, je ne peux pas sortir, j'en ai pour combien de temps encore à trainer dans ces couloirs!!!"
En me renseignant, j'ai pu savoir que son cancer des os avait considérablement fragilisé ses os, et qu'ils
étaient maintenant cassant comme du verre. Ca aurait très bien pu "tomber" sur moi la veille, alors que je l'amenais aux toilettes...
Comment lui fair ecomprendre que ce n'était pas la faute de cette pauvre aide soignante qui n'en pouvait plus de s'excuser... Mais c'était belle et bien ce "cancer guerit" qui continuait son chemin...
Notre rôle est parfois très ambigue... Entre le respect des choix de la famille, et du médecin, et notre protection, et celle du patient...
Il faut "juste" se convaincre que c'est toujours, le "meilleur" des choix.